Résumé
On peut constater, depuis le début du XXe siècle, un parallélisme frappant entre les idées dominantes en économie - plus précisément en management d’entreprise - et les idées dominantes en didactique scolaire des langues-cultures (DSLC). Cet essai se propose de passer pour une fois du constat à la projection, en examinant dans quelle mesure la transposition en DSLC du débat actuel économique, mais aussi idéologique, sur "les communs", i.e. les ressources partagées, et "le commun", i.e. les modes de gestion collective de ces ressources, génère des réflexions et propositions pertinentes dans cette discipline. En effet, d’une part la question des ressources se pose désormais différemment en DSLC : Internet permet aux élèves d’accéder de manière constante et massive à ces ressources, les outils et environnements numériques leur permet de les manipuler aisément, et les programmes d’intelligence artificielle leur offre la possibilité, au moyen de la traduction automatique, d’exploiter des ressources documentaires en L1, L2 voire des L2+n, et même de produire à partir de leurs requêtes leurs propres ressources didactiques. D’autre part, l’entraînement à la gestion collective responsable et durable de ces ressources est devenu un enjeu important de la formation à la citoyenneté démocratique, finalité officielle de tous les systèmes éducatifs occidentaux. Pour cet essai ont été mobilisés deux ouvrages représentatifs de deux conceptions opposées du commun, l’un d’Elinor Ostrom (1990), prix Nobel d’économie 2009 pour ses travaux pionniers dans le domaine des "Commons Studies" anglo-saxonnes, ouvrage intitulé en traduction française Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles (De Boeck, 2010) ; l’autre, d’un philosophe et d’un sociologue français, Pierre Dardot et Christian Laval, intitulé Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle (La Découverte, 2014), qui a suscité beaucoup de réactions. Le présent essai me semble montrer en DLC la pertinence de cette nouvelle "problématique des communs", et l’intérêt que présente la transposition des deux théories du commun. Celle-ci permet en effet d'y développer à nouveaux frais la réflexion sur l’opposition, ancienne en pédagogie, entre la logique "gestionnaire", celle de l’"autonomisation", et la logique "révolutionnaire", celle de l'"émancipation", appliquées à l’enjeu actuel de la gestion des ressources informationnelles lorsqu’elles mobilisées pour un agir commun, tant dans la micro-société classe, pour l’enseignement-apprentissage, que dans la société extérieure, pour l’exercice actif de la citoyenneté démocratique.
1e éd. numérique www.christianpuren.com, mars 2025, 54 p.
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