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Sur le concept de "problématique", voir aussi :
- "Exemples de problématisation didactique", "Bibliothèque de travail" document 049.
- "Manuels de langue et formation des enseignants", 2015e, 1. "Choix et usages des manuels de langue - Matrice de problématisation (T.P.)"
À propos des hypothèses de recherche (octobre 2018)
1) On lira avec intérêt, sur le site theconversation.com, un article de Sébastien Castagneyrol (chercheur en écologie à l'INRA, Institut National de la Recherche Agronomique) intitulé "Un scientifique ne peut pas se tromper, il le doit !" (mise en ligne 11/10/2018, dernière consultation 11/10/2018). L'auteur explique, exemples concrets tirés de son expérience de recherche à l'appui, les différentes raisons pour lesquelles une expérience peut échouer à valider l'hypothèse de départ :
- D’abord, si l’hypothèse est formulée en dehors de tout cadre théorique initial, il y a peu de chances que l’expérience marche. Si je fais l’hypothèse que le ciel est bleu parce qu’il existe un drap géant au-dessus de nos têtes, j’aurais beau expérimenter tous les projectiles et toutes les fusées au monde, je n’arriverai pas à déchirer ce drap. « Ça marche pas ». Cet exemple est certes quelque peu absurde, mais il me permet de rappeler qu’il n’y a pas d’observation sans cadre théorique sous-jacent.
- Ensuite, l’expérience peut « ne pas marcher » parce que l’on ne s’est pas donné les moyens de la mettre en œuvre correctement. Soit que l’on a utilisé un matériel non adapté, soit que l’on a manqué de rigueur, soit que l’on n’a pas répété l’expérience un nombre suffisant de fois pour réduire le poids des événements aléatoires dans les observations. On touche alors à la question des statistiques. Même la plus rigoureuse des expérimentations ne peut pas tout contrôler (c’est particulièrement vrai en biologie ou en écologie).
- Enfin, l'expérience part sur une hypothèse plausible, correctement formulée et correctement testée, mais elle ne marche pas parce qu'elle ne peut pas marcher, c'est-à-dire tout simplement parce que ce n'est pas la bonne hypothèse. Dans ce cas, c'est un échec de la recherche, mais une avancée scientifique. "La science est faite d'échecs", écrit l'auteur.
Ces trois points peuvent être repris à l'identique en ce qui concerne la recherche en didactique des langues-cultures. J'attire tout particulièrement l'attention des étudiants sur cette affirmation : il n’y a pas d’observation sans cadre théorique sous-jacent. Il en est de même des recueils de données par questionnaires ou enquêtes. Des étudiants m'envoient régulièrement des formulaires de questionnaires ou d'enquêtes à lire sans m'envoyer en même temps les hypothèses qu'ils cherchent ainsi à valider ou invalider : il m'est alors impossible de donner quelque avis que ce soit
2) Édouard Gentaz, Université de Genève, CNRS, a publié sur le site larecherche.fr un article intitulé "Du labo à l'école : le délicat passage à l'échelle" (septembre 2018, dernière consultation 20 octobre 2018). Il me semble intéressant pour la formation à la recherche en didactique des langues-cultures par sa présentation très claire, en annexe, des "trois niveaux de preuves dans les expérimentations scolaires":
LE NIVEAU 1, le plus robuste, consiste à comparer des élèves du même âge, répartis en deux groupes : un groupe « expérimental » et un groupe « témoin actif ». Dans le premier, les élèves font l'objet de l'intervention dont on souhaite tester l'efficacité. Dans le second, ils bénéficient d'une intervention d'une nature différente. Ces deux groupes sont comparés à deux reprises, avant et après l'intervention. De quoi évaluer son efficacité spécifique.
LE NIVEAU 2 reprend le même schéma que le niveau 1, à ceci près que le groupe « témoin actif » est remplacé par un groupe « témoin passif ». Les élèves de ce groupe ne bénéficient d'aucune intervention ou sont placés sur liste d'attente pour bénéficier de l'intervention après l'étude. Bien que ce type d'étude comporte la comparaison à un groupe de référence, il ne permet pas d'éviter d'éventuels effets psychosociaux bien connus. En effet, lorsque les élèves et les enseignants sont conscients de participer à une intervention particulière, ils ont des attentes positives vis-à-vis de cette intervention, ce qui peut avoir une influence. C'est le fameux « effet placebo ». Le risque est donc d'obtenir des mesures biaisées ou non reproductibles.
LE NIVEAU 3 correspond aux protocoles de type « traitement seul ». Cette fois, l'intervention est proposée à un seul groupe d'élèves, testés avant et après l'intervention. Il n'y a donc pas de comparaison possible avec un groupe de référence. Ce type de protocole permet de tester la faisabilité d'une intervention, mais empêche toute interprétation des résultats. En effet, même si l'on constate une progression chez les élèves testés, rien ne permet d'affirmer que d'autres élèves qui n'ont pas bénéficié de cette intervention n'ont pas connu la même évolution sur les variables mesurées.
Les recherches des mémoires de master et des thèses en didactique des langues-cultures se situent presque toutes au niveau 3. Les recherches de niveau 1 et de niveau 2 ne sont pas pour autant inutiles, mais il faut se rappeler que si elles "montrent" éventuellement des choses intéressantes (qui éclairent les pratiques, qui donnent des idées de changement, qui complexifient le regard, etc.), elles ne "démontrent" rien : dans ces recherches, les modes d'élaboration, de formulation et de validation des hypothèses doit impérativement tenir compte de cette réalité.
Un ouvrage du GFEN (Groupe Français d’Éducation Nouvelle) sur la formation à la problématisation (octobre 2020)
GFEN Dijon, Former à la problématisation. Quand (re)chercher est indispensable à tout apprentissage, Chronique Sociale "Pédagogie formation", 2020, 168 p., http://www.gfen.asso.fr/
Résumé sur le site du GFEN :
L'objectif de cette publication est de conceptualiser l'acte de problématiser, d'en percevoir la nécessité, d'en éclairer le sens et de proposer des modalités susceptibles d'aider les étudiants à
s'approprier cette compétence indispensable à leur réussite. Cependant il ne s'agit pas de se limiter à la seule pratique professionnelle, la problématisation étant une activité indispensable à
toute action sur le réel et à toute vie dynamique.
- Comment définir le terme de problématisation pour former les étudiants de manière homogène, cohérente ?
- Comment voir la problématisation dans le cadre de la rédaction d'un mémoire professionnel (origine des difficultés rencontrées) et au-delà ?
- La conceptualisation s'intègre-t-elle dans la problématisation et si oui, comment ?
- Comment passer d'un questionnement professionnel à une problématisation ?
- Comment réaliser des liens entre la problématisation et le développement professionnel ? La problématisation serait-elle vue comme un exercice de style pour la rédaction du mémoire ?
- Faut-il prendre conscience que l'on problématise pour que la problématisation soit reconnue, existe ?
- Problématiser c'est comprendre un système, ce n'est pas linéaire. Serait-ce un conflit de systèmes (système de représentations et système du réel) ?
- Problématiser serait-ce individuel ? Collectif ? Les deux ?