A propos du texte de Yves REUTER, "Dans la classe, quels sont les facteurs qui peuvent contribuer au
décrochage scolaire ?", The Conversation, 9 novembre 2020.
L'auteur, didacticien des disciplines bien connu en France, a publié le 9 novembre un article qui concerne une recherche récente (elle a encore donné lieu à la publication d'un ouvrage en 2016)
sur les facteurs du décrochage scolaire. Or cette recherche prend, comme il l'écrit justement, un intérêt tout particulier dans la perspective d'un enseignement scolaire partiellement à distance,
lequel risque, si l'on n'y prend garde, d'aggraver ce phénomène de décrochage chez une population d'élèves déjà en difficulté. Il rejoint en cela les avis de nombreux sociologues, comme je le
rappelle dans mon dernier essai, qui porte sur l'enseignement hybride (2020e, pp. 5-6).
L'autre intérêt de ce texte, à mes yeux, réside dans la perspective adoptée par l'auteur, qui n'est pas sociologique, mais didactique:
(...) en tant que didacticiens (c'est-à-dire en tant que chercheurs qui cherchent à comprendre les fonctionnements de l'enseignement et des apprentissages à partir des contenus
disciplinaires), nous avons proposé une approche sensiblement différente. Il nous semblait en effet que le vécu des élèves - c’est-à-dire leurs manières de vivre les disciplines scolaires, les
émotions et les sentiments qu’ils leur associent - pesait aussi d’un poids non négligeable dans les mécanismes de décrochage.
Cette hypothèse lui semble confirmée par cette recherche, pour laquelle ont été passés plus de 2000 questionnaires et ont été menés près de 200 entretiens "avec des élèves, à l’école primaire, au
collège, incluant des élèves de SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté), au lycée (incluant des élèves de lycées professionnels), et au-delà (BTS, GRETA,
étudiants)".
A partir des facteurs pédagogiques et didactiques repérés par l'analyse des données ainsi recueillies comme influençant négativement le vécu des élèves dans différentes disciplines, il dégage un
certain nombre de "pistes de travail quant aux configurations disciplinaires les plus favorables à l'accrochage scolaire":
- (1) alléger les impositions inutiles et laisser des espaces de choix possibles aux élèves ;
- (2) garantir et sécuriser la compréhension, clarifier les apprentissages à effectuer et effectués ;
- (3) respecter les élèves et bannir les humiliations, privilégier l’évaluation formative ;
- (4) travailler les relations aux questions que se posent les élèves ;
- (5) porter l’accent sur le sens des apprentissages. (la numérotation est mienne).
Et il conclut à la suite son article:
En effet, la manière dont les élèves peuvent s’approprier les disciplines, que ce soit sous forme de compréhension, d’expression ou d’articulation à leur identité et/ou à leur projet
personnel ou professionnel s’avère fondamental. Enfin, l’appui sur des démarches pédagogiques qui privilégient les recherches des élèves, le travail coopératif, l’autonomie et les projets semble
déterminant.
Cette conclusion me semble clairement orienter, comme "configuration disciplinaire" la plus favorable - pour reprendre l'expression d'Yves REUTER- vers la perspective actionnelle. Reste à
combiner fortement celle-ci, dans la conception d'une didactique de l'hybridation en langue-culture, avec les orientations pédagogiques qu'il énumère plus haut. Mais on peut déjà noter que celles
de la perspective actionnelle coïncide parfaitement avec la première (laisser des espaces de choix possibles aux élèves), une partie de la troisième (privilégier l'évaluation formative) et la
cinquième (porter l'accent sur le sens des apprentissages), et se demander si, à l'inverse de la classe inversée, il ne faudrait pas, pour la plupart des élèves, que le travail en présentiel
consacre une large part à la préparation du travail en distanciel.