Le diaporama intitulé "La différenciation pédagogique, comment faire?" d'une formation officielle (Atelier
encadré Cycles 2 & 3, Circonscription de Grenoble, 2011-2012) offre un bon exemple de "pédagogie différenciée" dans le sens étymologique de l'expression, c'est-à-dire d'un différenciation
conçue comme étant principalement à la charge du pédagogue, de l'enseignant.
La diapositive n° 21 est de ce point de vue très représentative:
Je me contenterai d'interroger ici l'une des activités de préparation de la différenciation par l'enseignant: "repérer les procédures mentales", citée ici sans autre précision par la suite.
1) S'agit-il des procédures mentales générales, ou de celles que chacun des élèves tend à privilégier en fonction de ce qu'on appelle son "profil cognitif"? Ce n'est pas du tout la même
chose...
Si c'est bien la 2e hypothèse qui est la bonne, comme je le pense étant donné l'idée exprimée dans la première phrase, de multiples questions se posent:
2) Quel modèle de procédures mentales propose-t-on avec des outils opérationnels pour les recueillir?
3) Est-il vraiment raisonnable de penser que l'enseignant puisse repérer les procédures mentales de chacun des élèves?
4) Ces procédures sont-elles stables ? Beaucoup d'études tendent à montrer qu'au contraire elles peuvent varier fortement chez le même élève selon le type de tâches (Klauss Vögel en parle après
d'autres dans son ouvrage L'interlangue, la langue de l'enseignant, Toulouse : Presses Universitaires du Mirail, 1995).
4) Le risque est bien connu d'effectuer ainsi un "étiquetage" des élèves auquel on adapterait ensuite dans la mesure du possible les activités qui leur seraient proposées. Mais enseigner à
apprendre implique plutôt de former les élèves à une différenciation de leurs stratégies d'apprentissage, si l'on part du postulat que plus on dispose de manières d'apprendre, et mieux on
apprend.
On en revient ainsi à la question de l'approche de la diversité/hétérogénéité des élèves, qui doit se faire d'abord et avant en termes de différenciation de l'apprentissage, et non, comme il est
de tradition dans la pédagogie française, de différenciation de l'enseignement. J'ai abordé déjà cette même question (le 9 janvier 2017) dans un autre billet de blog
A l'heure où le "pédagogisme" est dénoncé par le propre ministre de l’Éducation nationale française et où semble se préparer une régression dans la prise en compte des recherches et propositions
pédagogiques en France, il est désormais important, pour les pédagogues, de ne plus prêter aussi facilement le flanc aux critiques, en passant de manière rigoureuse tous leurs textes au tamis de
la faisabilité effective. La pédagogie ne peut se passer d'idéaux, mais le pire service que les pédagogues puissent leur rendre est de faire des propositions irréalistes.