Évaluation des compétences et complexité : à propos du site d'un pédagogue belge, F.-M. GÉRARD

 J'ai découvert aujourd'hui, un peu par hasard - en préparant une conférence sur l'évaluation -, le site (http://www.fmgerard.be/) d'un pédagogue belge, François-Marie GÉRARD. Ce site est principalement consacré aux chanteurs (il n'y a pas que la pédagogie dans la vie...), et  il n'est pratiquement plus alimenté depuis fin 2008 : la dernière mise à jour date d'un an exactement, du 24 décembre 2012.

 

Mais ce site propose sur une même page (http://www.fmgerard.be/textes/)  en téléchargement libre plusieurs articles de l'auteur concernant la pédagogie en général, particulièrement l'évaluation, et, plus spécifiquement encore, l'évaluation des compétences : sur ce dernier thème, lui aussi d'actualité en didactique des langues-cultures, il ne peut qu'être profitable de confronter les approches des deux disciplines. Il se trouve en outre que François-Marie GERARD fait constamment référence à la notion de complexité, dont on sait l'importance que je lui accorde, moi aussi, en didactique des langues-cultures : la "compétence" n'existe en effet pour lui que par rapport à des situations complexes, et elle ne peut par conséquent être évaluée que dans des situations complexes. Il partage en cela la conception de la plupart des pédagogues, comme Jean-Marie DE KETELE, Philippe PERRENOUD, ou encore Jacques TARDIF, dont j'ai reproduit le schéma du modèle de compétence dans mon article 2011j (p. 10).

 

Les deux articles suivants m'ont plus particulièrement intéressé pour cette raison :

 

- GÉRARD, F.-M. (2008), "La complexité d'une évaluation des compétences à travers des situations complexes : nécessités théoriques et exigences du terrain", in : ETTAYEBI, M., OPERTTI, R. & JONNAERT, P. (Éd.), Logique de compétences et développement curriculaire : débats, perspectives et alternative pour les systèmes éducatifs, Paris : L'Harmattan, pp. 167-183.

http://www.fmgerard.be/textes/ComplexEval.pdf.

 

- GÉRARD, F.-M. (2005), "L'évaluation des compétences à travers des situations complexes", Actes du Colloque de l’Admee-Europe, IUFM Champagne-Ardenne, Reims, 24-26 octobre 2005. http://www.fmgerard.be/textes/SitComp.pdf.

 

Dans ces deux articles, l'auteur a recours à l'épistémologie de la complexité et à l'opposition compliqué/complexe (que F.-M. GÉRARD  emprunte à X. ROEGIERS, lequel l'a emprunté à Edgard MORIN) pour différencier des types de compétences et les dispositifs d'évaluation correspondants.

 

L'auteur ne se contente pas de considérations théoriques, mais propose des exemples concrets de dispositifs et de tâches d'évaluation. L'article le plus récent (2012) s'intitule d'ailleurs "Un dispositif intégré pour l’évaluation des acquis des élèves de 7e année à Madagascar", Communication au Colloque de l’Admee-Europe, Université de Luxembourg, Luxembourg, 11 au 13 janvier 2012, http://www.fmgerard.be/textes/dispositif.html (téléchargeable seulement en version html). J'y ai noté un intéressant "tableau récapitulatif des modalités d'évaluation" parmi lesquels on trouve l'"évaluation par situation complexe" et les... "mini-projets". Je le reproduis ci-après :

L'auteur - et on ne peut que lui en savoir gré - ne cache pas les multiples et lourdes difficultés de mise en oeuvre d'une telle évaluation des compétences en milieu scolaire. Comme dans le passage ci-dessous :

 

(...) si l’évaluation par situations complexes est la seule pertinente dans le cadre d’un système éducatif s’étant inscrit dans la perspective de l’approche par les compétences de base (ROEGIERS, Une pédagogie de l’intégration, Bruxelles : De Boeck, 2000), elle présente certaines difficultés en termes d’acceptabilité sociale, tant pour les élèves et les enseignants que pour les parents. Il n’est pas facile de passer d’une culture du par coeur ou de l’application mécanique à celle de la résolution de problèmes, d’autant plus que celle-ci entraîne d’autres manières de corriger et d’autres manières de communiquer l’information, et qu’elle n’offre pas le même caractère de légitimité que les épreuves classiques où la réponse pseudo-objective conduit trop souvent à la seule sélection.

http://www.fmgerard.be/textes/SitComp.pdf, p. 2)

 

On lira aussi avec plaisir un article humoristique sur le jargon pédagogique (ce qui montre chez  F.-M. GÉRARD un sens certain de l'auto-dérision...) : "Fruit ou compétence ? Capacité ou légume ? Billet d'hume/our face au jargon pédagogique", où l'on trouvera malgré les apparences une réflexion aussi sérieuse qu'intelligente sur la distinction entre compétence et capacité

(Français 2000, 154-155, 2-6, http://www.fmgerard.be/textes/CompLeg.pdf).

 

Christian Puren