Présentation
Cet article reprend en le remaniant assez fortement celui d'une conférence faite lors du XIVe colloque de l’Association des Enseignants de Japonais en France (AEJF, Rennes, 18-19 avril 2013). J'y développe la métaphore génétique utilisée pour la première fois dans une intervention faite un peu plus tard (en mai 2013, à l'occasion d'une journée pédagogique à l'Alliance française de Lima, 2013h), ainsi que l’idée d’une double relation d’opposition-complémentarité à établir entre l’approche communicative d’une part, et d’autre part une perspective actionnelle dont l’élaboration théorique et pratique me semble désormais bien avancée.
Résumé
L'approche communicative (AC) avait été élaborée à l'origine en Europe par rapport à une situation sociale de référence déterminée (la présence de pays différents de langues-cultures différentes) et un objectif social de référence (la facilitation des voyages et séjours, en particulier touristiques, des citoyens européens dans un autre pays). Le CECRL de 2001 en raison de sa prise en compte d'une nouvelle situation sociale de référence (l'Europe multilingue et multiculturelle) et de deux nouveaux objectifs sociaux de référence (le vivre ensemble et l'agir ensemble en langue-culture étrangère dans cette nouvelle Europe), a ébauché deux nouvelles orientations didactiques post-communicatives, à savoir l'approche plurilingue et pluriculturelle, et la perspective actionnelle (PA), qui est une perspective de l'agir social. Les « gènes » (i.e. les caractéristiques natives) de l'agir social s'opposent point par point à ceux de l'« agir touristique », mais il faut d'autant plus considérer la PA comme venant non pas remplacer l'AC, mais enrichir les ressources méthodologiques à la disposition des enseignants, qu'on peut, précisément parce qu'elles sont opposées, les faire fonctionner de manière complémentaire. À partir du moment où l'on considère les différentes orientations didactiques comme des cultures, et l'enjeu des salles de classe comme un agir social d'enseignement-apprentissage, mobiliser toutes les ressources méthodologiques disponibles peut être considéré comme l'application conjointe de l'approche pluriculturelle et de la perspective actionnelle à l'enseignement-apprentissage des langues-cultures
English translation available at: www.researchgate.net/publication/349829905, www.christianpuren.com/mes-travaux/2014a-en/
Tableau des caractéristiques opposées
de la conception de l'agir dans l'approche communicative
et dans la perspective actionnelle
(version du 13/02/2020)
MINI-PROJET |
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1. préconception de la tâche/du projet par l’enseignant/le manuel |
conception au moins partielle de la tâche/du projet par les élèves (la « conception » est la « tâche initiale », caractéristique de tout projet) |
2. tâche unique (consigne unique) |
plusieurs tâches articulées les unes aux autres (« scénario actionnel ») avec des choix proposés sous forme de questions ou d’alternatives, voire en fonction d’initiatives des élèves |
3. logique procédure : on demande simplement aux élèves d’effectuer correctement les tâches prédéfinies |
logique processus : on demande aux élèves de réfléchir sur les tâches à effectuer/ en cours / après réalisation (activités métacognitives) |
4. ressources langagières et culturelles fournies d’emblée aux élèves |
ressources au moins en partie recherchées par les élèves |
5. traitement des documents en logique support |
traitement des documents en logique documentation |
6. travail sur les seuls documents authentiques proposés |
travail également sur les productions finales voire les productions intermédiaires des élèves (prises de notes, brouillons, synthèses provisoires…) |
7. usage exclusif de la L2 |
recours à la L1 et aux L1+n au service de l’action (en particulier, documentation plurilingue et projection de l’action dans la « société 1 ») |
8. la culture est sans relation autre que thématique avec la tâche finale |
– documentation portant en partie sur les cultures d’action (= les manières de réaliser le projet, dont la production finale, dans différentes cultures) – réflexion et décision des élèves sur la culture d’action qu’ils vont mettre en œuvre dans l’action proposée – réflexion et décision des élèves sur la culture d’enseignement-apprentissage qu’ils vont mettre en œuvre en classe |
9. documentation et production ponctuelles, à usage unique dans l’unité didactique correspondante |
production durable (mises à jour de la documentation pour resservir éventuellement, reprises de documents ou de tâches sur plusieurs unités, etc.) |
10. dimension individuelle ou interindividuelle (binômes) du travail et de la production finale |
dimension collective (grands groupes, groupe-classe) |
11. gestion et objectif des activités uniquement en classe et à usage interne à la classe |
projection réelle ou en simulation – mais en simulation réaliste – à l’extérieur de la classe (établissement, famille, société, autres classes à l’étranger…) |
12. évaluation par l’enseignant centrée sur l’apprentissage linguistique |
– auto-évaluations individuelle et collective (groupes, groupe-classe) – évaluation du processus (conduite du mini-projet, travail de groupe), de la valeur éducative (autonomie, responsabilité, solidarité…), à la fin du projet voire en cours (avec rétroaction et modification éventuelle de la poursuite du projet) – évaluation de la projection sociale (intérêt suscité, impact…) – dimension proactive (synthèse des points à prendre en compte pour les prochains mini-projets) |