Une version de cet article a été publiée en 2010 sous le titre "Les manuels récents de français langue étrangère : entre perspective actionnelle et approche communicative" dans la revue australienne en ligne FULGOR (Flinders University Langages Group Online Review) : FULGOR Volume 4, Issue 2, December 2010, ISSN 1446-9219 © Copyright 2002-2011 - Flinders University • Adelaide • Australia.
Résumé
Cet article rend compte d’une recherche portant sur la mise en oeuvre de la perspective actionnelle dans des extraits de trois manuels (de français langue étrangère) postérieurs à la publication du Cadre européen commun de référence de 2001 : Taxi 1, Méthode de français (Guy CAPELLE & Robert MENAND, Paris : Hachette, 2003) ; Édito, Méthode de français, Niveau B2 du CECR (Élodie HEU, Jean-Jacques MABILAT, Paris : Didier, 2006) ; Sac à dos 1, Méthode de français pour adolescents (M. BUTZBACH, R. FACHE, C. MARTÍN et al., Barcelona : Difusión, 2007)
L’objectif était d’y observer - en les interprétant et en les critiquant au besoin - les différentes formes de combinaison entre la perspective actionnelle et l’approche communicative.L’auteur dégage au passage les grandes caractéristiques de ces deux orientations didactiques en présence, concluant par un appel à une diversification des modèles d’unité didactique qui seule permettrait, à son avis, la diversification maximale de ces formes de combinaison inter-méthodologique, indispensable à la gestion concrète des classes de langue.
Les précisions suivantes ont été mises sur le site de l'APLV à la date du 7 janvier 2008:
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Mon article pouvant donner lieu à des interprétations que je n’avais pas prévues, je copie-colle ci-dessous quelques précisions que j’ai eu l’occasion de donner sur une liste de diffusion
d'enseignants de langue :
- Je suis bien d’accord que le Cadre aide à un effort de rationalisation et d’harmonisation des critères d’évaluation, d’une part, et que d’autre part il propose 1) un passage de l’attention des
savoirs aux savoir-faire (la fameuse "approche par les compétences") et 2) une perception positive des performances des élèves (ce qu’ils sont capables de faire, et non pas ce qu’ils ne sont pas
capables de faire), deux choses qui ne peuvent qu’avoir un effet très bénéfique sur l’amont, sur la conception de l’enseignement.
- Je suis aussi d’accord sur le fait que l’implémentation du Cadre fourni une occasion précieuse pour que les enseignants se réunissent, échangent, forment des équipes et "se mettent en
mouvement", comme on dit. C’est pour moi la plus grand vertu du Cadre, qui est moins ce qu’il apporte en termes de méthodes d’évaluation (il existait avant le Cadre de nombreux référentiels de
compétences et grilles d’évaluation, dont les auteurs du Cadre passent d’ailleurs une bonne partie en revue ; et dans l’Éducation nationale française les enseignants des lycées professionnels et
lycées agricoles avaient déjà à leur disposition des référentiels de compétences), qu’en termes de langage commun (comme le dit Martine) et plus encore de projet commun de réflexion sur
l’enseignement et d’amélioration de cet enseignement.
- Par contre, au risque de me répéter (mais à mon âge l’interprétation est toute prête…),
1) la focalisation sur l’évaluation ne doit pas nous détourner de la réflexion sur les méthodes d’enseignement-apprentissage, et
2) l’effet du Cadre sur l’amont (de l’évaluation vers l’enseignement) ne doit pas concerner les méthodes, sous peine de retomber dans les dérives et effets pervers de la pédagogie par
objectifs (qui est une pédagogie centrée sur les résultats attendus par l’institution, et non sur les élèves).
- Je n’ai strictement rien contre la simulation, que ce soit pour des projets, des tâches plus ponctuelles (type Task Based Learning) ou des situations de communication en classe. Ca n’empêche
pas, je pense, qu’il faille les distinguer des projets "réels-authentiques" de la pédagogie du projet.
Je renvoie ceux qui pensent que je suis "un peu trop critique" vis-à -vis du Cadre, à un article à paraître dans un prochain numéro des Langues modernes consacré au
CECR. Cet article s’intitule "Le Cadre européen commun de référence pour les langues : compte rendu du débat critique dans l’espace germanophone". Je ne connais pas l’auteur, je
n’ai lu l’article qu’en tant que membre du Comité de lecture de la revue, et le texte était donc anonymisé.
Il s’agit d’une synthèse de toutes les critiques adressées au Cadre par des didacticiens allemands lors d’un colloque qui s’est tenu à Tübingen en 2002, juste après la publication du
Cadre. Pour ceux qui lisent l’allemand, je signale les références des actes :
BAUSCH Karl-Richard et al. (dir.), Der gemeinsame europäische Referenzrahmen für Sprachen in der Diskussion. Arbeitspapiere der 22. Frühjahrskonferenz zur Erforschung des
Fremdsprachenunterrichts [Le CECR en discussion. Actes du 22e Colloque de printemps pour la recherche sur l’enseignement de langues étrangères]. Tübingen (Narr) 2003.
Il s’agit d’un tir groupé à boulets rouges, d’une démolition concertée en bande organisée, à côté desquels mes quelques critiques ressemblent à d’aimables chatouillis…
Je cite un passage de la conclusion de l’article :
"Les chercheurs allemands ne découvrent pas une nouvelle étape pour la didactique des langues dans le Cadre, tandis qu’en France, on le considère généralement comme le document fondateur
de la “ perspective actionnelle ”
qui inaugurerait une nouvelle ère dans l’enseignement et l’apprentissage des langues. Il y a sans doute en France une façon de concevoir la didactique des langues comme une histoire progressiste
dans laquelle chaque “ méthode ”, “ approche ”, ou “ perspective ”, est régulièrement remplacée par un nouveau courant didactique (avec récemment une légère tendance vers l’éclectisme et la
conservation des points positifs des approches prétendument dépassées), manière de voir qui déclenche la recherche d’un nouveau paradigme l à où d’autres ne l’aperçoivent pas
nécessairement.
Deuxièmement, quand on est habitué à lire les ouvrages francophones sur le CECR, on ne peut qu’être étonné par la liberté d’esprit et de parole des chercheurs de langue allemande qui
n’ont pas hésité à dénoncer défauts et lacunes du CECR, et à faire de cette critique, perçue comme indispensable, le thème central de leur colloque annuel dans l’année qui a suivi la
publication du Cadre. Le ton adopté par ces chercheurs tranche avec celui de la plupart des publications sur le CECR en langue française, écrites dans le genre de la vulgarisation ou sur
le mode apologétique – à quelques exceptions près (…)"
Le ou les auteur(e)s de l’article me citent comme exemple d’exception française, ce qui est flatteur, mais par contre la première phrase peut tout à fait être prise comme une critique de ma
position (et cette critique m’interpelle d’autant plus que je ne pense/pensais pas donner dans l’idéologie du progrès continu, que j’ai même souvent critiqué (voir sur le site de l’APLV, tout
récemment encore, « Histoire de la didactique des langues-cultures et histoire des idées ».
Mais c’est très bien ainsi : les désaccords me réjouissent, qui donnent l’occasion de débattre.
C’est aussi l’avis des "experts" du Cadre, si j’en crois ce qu’ils ont écrit page 110 :
"Si certains praticiens, après réflexion, restent convaincus que l’on atteindra mieux les objectifs propres au public dont ils ont la responsabilité par des méthodes autres que celles préconisées
ailleurs par le Conseil de l’Europe, nous souhaiterions qu’ils nous le fassent savoir et qu’ils nous disent, ainsi qu’aux autres partenaires, quelles méthodes ils utilisent et quels objectifs ils
poursuivent. Un tel échange pourrait conduire à une compréhension plus étendue de la diversité et de la complexité du monde de l’enseignement des langues, à un débat sur le sujet, toujours
préférable à une l’acceptation de la pensée dominante essentiellement parce qu’elle est dominante."
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